Le devenir du métier d'ingénieur

        
Ce livre voit dans l'ingénieur une "figure de conquérant". L'âge d'or des ingénieurs manifeste de véritables exploits. Un triomphe. Mais  l'aventure de domination lancée depuis le "Je pense" cartésien s'achève dans un déclin planétaire, où n'opère qu'une figure dégradée du conquérant: "le dernier ingénieur". Le concept de dernier ingénieur laisse voir l'émergence d'un "Bénéficiaire", mais après la chute du monde du dernier ingénieur.




 

EXTRAITS

                         
L’ère des ingénieurs est un épisode de maîtrise et d’autorité dans l’histoire du cerveau gauche ; une longue et prestigieuse histoire d’exploration et de conquête, engagée dans des temps lointains. Plus précisément, dès que l’homme devint conscient qu’il ait pu dire Je. Ce fut là la naissance d’un pouvoir qui allait, à chaque phase d’évolution, s’amplifier et s’étendre, mais toujours en deux mouvements : extraction du Je et domination de l’environnement. Dans ses premiers outils, déjà, même rudimentaires, l’homme voyait s’affirmer lentement l’extraction de son individualité du monde, qui était chaque fois accompagnée d’un retour du pouvoir acquis en un mouvement de domination de plus en plus redoutable. Dans l’outil, il y a toujours une emprise. Elle est une amplification et un prolongement de l’individu. La transmission, la culture et plus tard la civilisation avaient ordonné et organisé ces mouvements d’extraction et de domination dans un savoir implacable. Lequel, tout en se communiquant d’une génération et d’un peuple aux autres, s’étendait et s’intensifiait, non sans peine, le long de plusieurs milliers d’années. L’œuvre du cerveau gauche est non seulement ce savoir, mais aussi son organisation et sa diffusion.

Le cerveau droit avait pendant longtemps les qualités et les exclusivités des dominants. Puis, durant une autre phase de cette aventure, un simple rôle d’accompagnement. C’était dans la création des mythes, dans l’entretien des relations avec les dieux ; car le cerveau droit devait calmer les angoisses et la solitude que générait le cerveau gauche dans son œuvre d’extraction et de domination. Longtemps, il n’y avait ni psychiatres ni Assurances. À l'époque des pharaons, les constructeurs des pyramides avaient l’analyse des détails, la précision et la rationalité du cerveau gauche ; des aptitudes essentielles qui empruntaient, néanmoins, la cohérence au-dehors, par des principes et des assises métaphysiques du cerveau droit. Les Égyptiens devaient bénéficier de la présence des prêtres qui permettaient au cerveau droit d’embrasser l’absolu, rayonnant des étoiles de l’au-delà. D’une civilisation à l’autre, le but de l’aventure était le même pour le cerveau gauche, avec, néanmoins, des intensités marquées et des accélérations à des moments, et aussi des ralentissements et des accalmies à d’autres.  

© 2022 Saïd Koutani
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