La clairvoyance de Wolfgang Paul
Saïd KOUTANI - Juillet 2007


La clairvoyance de W. Pauli

Je voudrais rapprocher deux remarques du physicien Wolfgang Pauli faites sur des domaines d’analyse, apparemment étrangers l’un à l’autre. Il y a un lien qui, à ma connaissance, n’a jamais attiré l’attention, entre d’une part une remarque sur la manière statique de penser le monde, dont nous allons voir les sources, et d’autre part, une remarque faite par Pauli en 1927, sur l’anomalie du temps dans les postulats de la Physique quantique. Il faut dire que, malgré les travaux de Y. Prigogine, la Physique n’a toujours pas dissout cette anomalie, qui se trouve à l’origine des questions et des paradoxes autour des interprétations des événements du monde microscopique, dont une grande partie est, me semble-t-il, totalement dénuée de sens.

On connaît Wolfgang Pauli comme l’un des grands physiciens du XXè siècle. On lui doit, en tant que co-fondateur de la Physique quantique, le célèbre principe d’exclusion qui dit que deux fermions d’un système – deux électrons par exemple - ne peuvent avoir le même jeu de nombres quantiques. Cela permet, rappelons-le, d’expliquer entre autre la structure électronique des atomes et contribue au sens de leur classification dans le bien connu tableau périodique de Mendeleïev. Mais Pauli portait en même temps un intérêt soutenu à la philosophie et à la psychologie en particulier, ce qui passe bien souvent encore aujourd’hui sous silence, volontairement peut-être.
Pauli a cherché les traits de la pensée scientifique, ou pré-scientifique, occidentale du début du XVIIe siècle, ou plus précisément ce qui caractérise le seuil ou la transition entre l’ancienne vision animiste du monde, marquée par des descriptions magico-symboliques, et la représentation moderne, dite aujourd’hui classique, qui est quantitative, mathématique. Pour Pauli, la science moderne a un caractère statique et s’est développée sur le terreau dynamique des croyances magiques et animistes du monde. Mais, on ne peut saisir pleinement les réflexions de Pauli sur cette question, si on ne les situe pas dans le cadre de sa collaboration avec son ami Carl Jung.

Un des éléments fondateurs de la psychologie de Jung est l’archétype. C’est un concept relativement complexe que l’on peut difficilement

assujettir à une définition, probablement parce que ce concept a évolué dans l’œuvre de Jung elle-même. S’il n’est pas question de faire ici une
« archéologie » de l’archétype, on peut dire, néanmoins, que les archétypes chez Jung sont des structures relativement mobiles et actives qui rassemblent les éléments psychiques, le vécu, en images que Jung qualifie d’archétypiques. Les archétypes ne concernent pas seulement l’inconscient individuel, ils sont surtout constitutifs de l’inconscient collectif au point d’en être presque le synonyme1. Jung s’appuie sur l’archétype pour ressortir la topologie de l’imaginaire qui permet d’expliquer même pour des objets simples, tel le langage, cet excellent représentant des dépôts collectifs, pourquoi l’Ame est représentée avec des traits féminins et l’Esprit toujours avec quelque chose de masculin. Nous pensons sur et par des images, et celles-ci ont une histoire avec des éléments correspondants entre l’inconscient individuel et l’inconscient collectif.
Les archétypes sont des images de nature collective, ayant une vie propre, qui évoluent et enrichissent l’imagination depuis l’aube de l’humanité. En ce sens, les mythes et les représentations magico- symboliques constituent pour Jung d’excellents fossiles des images archétypales.

C’est avec ce concept d’archétype, comme support d’analyse d’une période de transition vers l’ère scientifique, que Wolfgang Pauli c’est penché sur le cas Kepler dont les travaux sont significatifs, la veille de la révolution newtonienne. Johannes Kepler (1571-1630) avait en effet une conception du monde, que nous qualifierions aujourd’hui de mystico- magique, qui l’a inspiré dans la construction des lois de notre système planétaire, les célèbres lois de Kepler, établies loin de la stricte démarche mathématique devenue plus tard familière. Mieux encore, le travail de Kepler qui peut être considéré par ailleurs comme scientifique, est incompréhensible loin du contexte magico-symbolique de son époque.

Voici la thèse de Kepler.
Kepler symbolise la Trinité par un centre et une circonférence immobiles d’une part, et par un mouvement entre ce centre et cette circonférence d’autre part. Le centre représente Dieu et la circonférence le Christ. Et c’est l’Esprit Saint qui effectue un mouvement linéaire entre Dieu et le Christ. Bien sûr, nous n’avons pas à discuter le sens religieux de cette symbolique. Ce qu’il faut voir, c’est qu’il y a dans la vision de Kepler une hiérarchie des mondes et surtout une similitude entre eux ; notre monde terrestre, le monde des planètes, la Trinité... On retrouve cette symbolique partout dans les descriptions képlériennes, et Kepler... Télécharger pour

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