Auto-perception

Ceci n'est pas une bio !
Une auto-perception au 15 mars 2025.

C'est ma vie... Je la vois comme une belle et heureuse aventure, même si je porte aujourd'hui l'inquiétude que j'ai portée depuis toujours. J'assume une certaine inquiétude qui ne m'a jamais quitté. Une inquiétude, toutefois, avec laquelle j'ai appris à vivre, et que j'ai surtout méditée durant de longues années. Oui, elle est là, intrinsèque et autonome, dans une couche plus profonde encore que mon syndrome d'Asperger.

Voici ma petite histoire...

Je suis né en 1962, dans le Maroc postcolonial, dans le Casablanca postcolonial. Je suis né dans une famille modeste qui engage vers les activités savantes.

Durant ma scolarité rien ne m'avait présenté une quelconque difficulté. Tout ce que je devais apprendre me semblait construit de façon logique. Mon classement, de l'école primaire à la classe de Terminale , était dans les deux ou trois premiers, souvent avec un travail simplement moyen. Arrivé à la dernière année du collège, j'avais même décidé de prendre une "année sabbatique". Malgré la grande colère de mes parents, j'avais exécuté cette décision: ne pas aller au collège pendant un an, espérant faire quelque chose de moins ennuyeux... 

Bref, de cette période marocaine, je garde le souvenir d'une existence heureuse ou presque. Mais je ne peux oublier certains événements tristes, déstabilisants, ou même parfois terrifiants comme l'affrontement en 1981 dans les rues de Casablanca, entre l'armée du Monarque Hassan-II et la population civile. J'ai vu des morts, et il y avait bien des tanks dans les rues... Les militaires tiraient à balles réelles sur des civiles... J'avais réalisé subitement et pour la première fois l'impermanence de mon petit monde.

Ces années-là, ma vie allait prendre un tournant, mais ailleurs. J'avais décidé de quitter le Maroc pour aller prendre l'air et pour faire des études.
En 1982, je suis arrivé en France, à Nancy.
Me voilà seul dans un autre monde, qui au commencement était bien étrange.
Mais l'étrangeté n'a duré qu'un temps... Un peu plus tard, en 1988, je suis devenu binational.

Durant les années 1980 il y avait les études, des études longues, et il y avait surtout les débuts de la vie commune avec Laura.

Laura et moi, nous sommes mariés en 1986 (bientôt 40 ans!).
Nous avons aujourd'hui deux grands enfants, deux filles K et M.

Les première années en France étaient vraiment difficiles, car mes moyens étaient dramatiquement faibles. Je n'étais pas loin de "To be in Dire straits".

Saïd Koutani - Maroc, Casablanca - 1980




Avec quelques diplômes en poche durant les années 1980, les années 1990 ne pouvaient qu'être différentes. Mon diplôme d'études approfondies (DEA, l'actuel M2) était plus élevé que ce qui était requis pour enseigner dans le Secondaire. Mon activité en tant qu'enseignant a débuté sur un poste à temps plein en 1990 au Lycée Henri Vogt à Commercy (dans la Meuse 55), avec des classes de Terminale et BTS scientifiques et techniques. Je faisais l'aller-retour (100km) en co-voiturage de Nancy tous les jours pendant 2 ans. J'avais expérimenté ensuite un autre Lycée à Lunéville (l'aller-retour était de 75km).

Puis, en 1993, vient l'obtention à l'Université Henri Poincaré (Nancy) du titre de docteur en Physique, avec une thèse qui concerne l'effet du désordre nanométrique sur des propriétés observables (pour faire très court). Cette thèse m'a permis non seulement d'avoir une connaissance précise des concepts scientifiques, des théories, sur l'ordre/désordre en général, mais de construire mentalement une unité, un corpus de toute la Physique apprise de façon fragmentaire.

Mes maîtres

Parmi mes professeurs:
- L'admirable Pierre Eymard (1929-2010). Un Normalien. C'était un monsieur très respectable, il avait une chevelure blanche qui allait bien avec ses mathématiques: au début des cours, les cheveux d'Eymard étaient toujours très ordonnés; mais vers la fin, le cours ayant atteint son harmonie, le désordre des cheveux était total: Eymard était pour moi un Karajan des mathématiques. Je me souviens de ses sujets d'examens qui duraient une demi-journée, ils étaient sur des séries-solutions de systèmes d'équations, des séries qui convergent vers une fraction précise du nombre Pi... Pi comme harmonie, Pi comme obsession!

- Monsieur Paul Horn, à qui je dois toutes mes premières connaissances en Electromagnétisme. Horn avait toujours un microphone avec lequel il se baladait pendant 2 heures. Il y avait en fait 2 temps: la balade du micro (moment le plus important) et puis l'écriture au tableau noir. Avec Horn j'avais tellement entendu "champ électrique créé par une charge" qu'à cette époque j'avais fini  par me demander si le champ n'est pas l'effet de la charge mais en fait partie, ou plutôt charge et champ constituent une même chose ayant des symétries! Au sens où mon bras droit n'est pas l'effet de mon bras gauche mais les deux font partie de mon corps ayant des symétries... Enfin, passons... Moi et la causalité, nous avons une autre histoire...

- Le directeur du Labo de Physique du Solide de l'époque, Maurice Gerl (ancien élève de l'Ecole des Arts et Métiers). Un vrai Gadzart qui était aussi excellent dans ses cours de Métallurgie que dans ses cours de Physique quantique. Les cours magistraux de Gerl étaient unanimement portés par la compétence, l'élégance et l'entousiasme.

- Je ne peux oublier le Professeur Armand Hadni (en Interaction rayonnement-matière), le Professeur Paul Mazeron, un ancien du Labo du prix Nobel Ylia Prigogine (J'ai énormément apprécié le cours de Thermodynamique statistique de Mazeron), le Professeur Michel Piecuch (en structure électronique, vibrations, magnétisme... et aussi Président du jury de ma thèse de doctorat) et bien d'autres que je ne pourrais citer tous ici.

- Parmi mes maîtres, il y avait aussi et surtout mon directeur de thèse, Gérard Gavoille. Gavoille était une machine à calculer redoutable, et toujours à haute voie quel que soit le lieu. Son terrain de prédilection: le magnétisme des systèmes désordonnés, percolation, fractals... Gavoille était un scientifique fâché presque avec tout le monde, y compris les scientifiques. Il disait souvent et toujours à haute voie: la science n'était plus la même depuis que les physiciens ont commencé à publier des articles comme des chimistes. Mais le pire c'est maintenant: ils publient, disait-il, comme des zoologistes... Bref, c'était un monsieur remarquable!

TOUS, tous mes professeurs étaient attachés à leur métier, consciencieux et bienveillants...

Et puis, c'était mon tour...

Cours des Semiconducteurs en cycle Ingénieurs à l'ESIEE, Saïd KOUTANI - Automne 1998.

Après ma thèse, ma carrière s'était en effet installée presque rapidement et très naturellement dans l'enseignement supérieur.

En 2024, à 62 ans donc, je pouvais comptabiliser des milliers d'heures passées dans des amphithéâtres. Il est vrai que j'appréciais particulièrement l'activité magistrale.
Tout ce que j'ai enseigné prenait chaque fois soit la forme d'un problème soit la forme d'une histoire, même lorsqu'il s'agit de parties théoriques mathématiquement complexes... Dans tous les cas, ma devise (elle vaut ce qu'elle vaut!) était: il faut réduire fortement ce qu'on doit connaître, puisqu'il y a un cerveau et des chaînes logiques... Durant toute ma carrière (normale), je n'ai jamais fait un cours avec une feuille à la main ou un support quelconque. C'est pourquoi les années Covid m'avait posé un sérieux problème, exigeant un support à distance.

Dans l'enseignement supérieur, j'ai occupé aussi des fonctions de responsabilité, en particulier la fonction de directeur des formations d'ingénieurs:

- à l'ESIEE (Electronique, Energie, Télécommunications...)
- à l'ESITPA (Agronomie, Agro-industrie...)
- à l'Institut polytechnique Lasalle (Agronomie, Agro-industrie, Data management...)
- au Conservatoire national des Arts et Métiers (Génie mécanique, Génie électrique, Génie informatique...)

Mais mes occupations n'étaient pas toutes scientifiques...

Saïd KOUTANI, Grèce, Athènes - 2020.

Il est clair que mon parcours académique s'inscrit dans le domaine des "sciences exactes". Mais je dois préciser que j'ai un autre parcours, parallèle donc, dont les racines sont aussi anciennes que l'académique, mais cette fois en autodidacte. Des études aussi structurées m'ont accompagné, avec une continuité et beaucoup d'engagement, en Philosophie surtout, et dans une moindre mesure en Droit, Economie politique...

Certes, je connaissais jusqu'à un niveau assez fin Le Capital, la Critique de la critique, la Misère de la philosophie, etc. mais l'oeuvre de Friedrich Von Hayek m'avait beaucoup marqué. Cependant, je ne suis pas libéral. Peut-être mon rapport scientifique à l'ordre/désordre de la nature m'avait-il rendu sensible à l'ordre/désordre de la culture (droit, économie...) dont traite Hayek.

Je ne suis pas libéral et je ne suis pas analytique. Mais là encore j'admire les oeuvres de Hume et de Locke, celles de Bertrand Russell et de son élève Ludwig Wittgenstein, etc., mais tout se passe bizarrement comme si je ne suis pas concerné par ce qui se passe chez les anglosaxons. J'avais peut-être même pris partie pour Leibniz contre Newton. Et puis, c'est Leibniz encore qui m'a accompagné tout au long de mon étude de "Essai sur l'entendement humain" de Locke. Le livre de Leibniz "Nouveaux essais sur l'entendement humain" n'est qu'un ensemble de commentaires du précédent.
Très précisément, c'est dans cette critique de Leibniz que j'ai observé l'initiation de mon concept d'in-quiétude. En cherchant en effet à cerner le concept Uneasiness de Locke et le concept Unruhe de Leibniz, j'ai pu voir autre chose, aller au-delà de Locke et de Leibniz. Ainsi, j'ai pu avec un questionnement déjà mûr sur l'in-quiétude aborder plus tard les Entschlossenheit/Erschlossenheit qui constituent le cœur de Etre et Temps de Heidegger.

Bref, ma pensée trouve très facilement des interlocuteurs dans la Philosophie continentale, au sein de laquelle j'ai arrêté de considérer l'idéalisme et le réalisme comme des courants opposés. Ils sont deux faces de la même chose.
Pour moi la Philosophie n'est pas une connaissance de quelque chose, elle s'apparente plutôt au Weltanschauung allemand du XIXe.


Pour finir, voici mon vélo...

On a déjà partagé la pluie, le froid, la chaleur et de grands espaces. Mon vélo a déjà pris le train avec moi plusieurs fois. Toujours propre et bien réglé.

Je suis heureux d'avoir quitté en 2024 le monde de la voiture, le monde du XXe siècle finalement.
J'ai retrouvé la liberté, la santé et plus encore... 
(J'ai mis du temps pour voir que l'être humain ne doit pas être très intelligent pour choisir d'être un satellite, un esclave, de la voiture. Sans parler du pétrole comme pollution des terres et des océans, comme origine de guerres, comme soutien à des dictatures criminelles, on devrait imaginer la vie sans l'économie fondée sur la voiture, retrouver un vrai cadre de vie,  sans asphalte, sans parkings.)

L'aventure continue... Avec le vélo, bien sûr!
Saïd Koutani

© 2025 KOUTANI - All Rights Reserved
Site créé en 2003, dernière revue en mars 2025
Informations légales

No Code Website Builder